LOI PACTE - MAI 2019

Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite loi « PACTE » (« plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises »), prévoit de nombreuses mesures destinées à « libérer les entreprises, pour en faciliter la création, mieux accompagner leur croissance, faciliter le rebond des entreprises et des entrepreneurs et rendre les transmissions d’entreprises plus fluides ».
 
En droit des sociétés, les principales mesures sont présentées ci-après :

- L’exemption de CAC pour certaines sociétés dont les seuils comptables sont faibles ;
- Le partage de plus-value avec les salariés ;
- Le rachat des actions de préférence peut être initié par un actionnaire ;
- Les avances en compte courant sont possibles sans condition de participation ;
- La SARL ayant un CAC peut émettre des obligations ;
- L’émission de « tokens » (jetons) est désormais encadrée par l’AMF.


I.       L’EXEMPTION DE CAC POUR CERTAINES SOCIETES DONT LES SEUILS COMPTABLES SONT FAIBLES
 
OBLIGATION GENERALE
La loi supprime pour les sociétés par actions l’obligation de nommer un commissaire aux comptes (CAC) dès lors que certains seuils harmonisés ne sont pas dépassés :
- 4 millions d’euros de total de bilan,
- 8 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes,
- un nombre moyen de 50 salariés au cours de l’exercice.


Les sociétés par actions sont donc tenues de désigner un CAC lorsqu’elles dépassent ces seuils. Toutefois, la nomination devient obligatoire lorsqu’elle est demandée en justice par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 10% du capital.
 
GROUPE DE SOCIETES
Les règles en matière de groupe de sociétés sont remaniées : désormais, la loi impose à une société qui en contrôle d’autres de designer un CAC si l’ensemble formé par elle et les sociétés qu’elle contrôle dépasse les seuils fixés ci-dessus.
L’obligation de désigner un CAC ne s’appliquera pas si la société qui contrôle une ou plusieurs sociétés est elle-même contrôlée par une société qui a nommé un CAC.
Les sociétés contrôlées par une société devront elles-mêmes désigner un CAC si elles deviennent significatives et dépassent au cours d’un exercice deux des trois seuils suivants : 2 M€ total de bilan, 4 M€ montant du chiffre d’affaires hors taxes et un nombre moyen de 25 salariés employés. Un même CAC pourra être nommé dans la société contrôlante et dans la société contrôlée.
 
CREATION D’UN AUDIT ALLEGE
Pour les sociétés tenues de désigner un CAC (en vertu de seuils), les sociétés pourront choisir pour la certification de leurs comptes un audit dit « allégé », comportant moins de missions pour le CAC et une durée du mandat passant de 6 ans à 3 ans.
 
Cela concerne notamment les sociétés contrôlant un « petit groupe », ou une société contrôlée (dépassant certains seuils), ainsi que les sociétés ayant volontairement nommé un CAC (en dehors de toute obligation légale).
 
 
II.       LE PARTAGE DE PLUS-VALUE AVEC LES SALARIES
 
Par voie de contrat avec la société, un associé cédant pourra partager une partie de la plus-value de cession de ses titres avec les salariés de l’entreprise cédée.
Cela concerne les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés et ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière.
 
Le partage de plus-values profitera à tous les salariés de l’entreprise concerné, pouvant être conditionné à une ancienneté (sans pouvoir excéder 2 ans).
 
D’un point de vue fiscal, l’associé cédant ne sera imposé sur la plus-value que sur la part qui lui revient, et non pas la part versée aux salariés.
 
Il doit donc être prévu un contrat spécifique pour établir ce partage de plus-value, étant précisé que la loi impose qu’il soit conclu entre le cédant et la société concernée sans faire intervenir les salariés de la société. Ce sera la société concernée qui reversera les sommes dues aux salariés au titre de l’engagement de partage (article L 23-11-2, al.1 du Code de commerce).
 
 
III.       ASSOUPLISSEMENT DU REGIME DES ACTIONS DE PREFERENCE ET DES OPERATIONS SUR TITRES
 
Désormais, pour les sociétés par actions non cotées, il sera possible d’émettre des actions de préférence conférant un droit de vote multiple, ou un droit de vote double sans avoir à respecter les règles liées à l’inscription au nominatif depuis plus de 2 ans ou la libération des actions.
 
Il est également possible de supprimer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence conférant de droits financiers limités (dividende, réserves, etc), qu’elles disposent ou non du droit de vote à l’émission (antérieurement faculté limitée aux actions sans droit de vote, article L 228-11, dernier alinéa).
 
L’intervention d’un commissaire aux avantages particuliers s’imposera désormais dans le cas d’émission au profit de souscripteurs actionnaires ainsi qu’au profit de tiers souscripteurs (article L 228-15, alinéa 1 modifié).
 
Si auparavant le rachat des actions ne pouvait être demandé que par la société, désormais il pourra également l’être par l’actionnaire. Dans les sociétés non cotées, les statuts devront déterminer les conditions de ce rachat, et en particulier qui en aura l’initiative : soit la société, soit l’actionnaire, soit les deux.
 
L’offre de titres par une SAS est encouragée au profit des dirigeants et salariés, y compris de sociétés liées, sous réserve d’appliquer des règles strictes relatives à la consultation des actionnaires de SA (règles similaires au recours au financement participatif).
 
Le plafond du pourcentage d’attribution d’actions gratuites est relevé à 30 %, avec une modification du mode de calcul des actions à prendre en compte.
 
Pour les augmentations de capital réservée aux salariés et adhérents d’un PEE, le prix de souscription ne peut désormais être inférieur à 30 % du prix de marché ou de 40 % du prix de cession (société non cotée) (articles L 3332-19 et 3332-20 du Code du travail).
 
Dorénavant, une société ayant émis des titres donnant accès au capital (BSA, etc) ne peut plus émettre d’actions de préférence (article L 228-98 du Code de commerce « elle ne peut ni modifier les règles de répartition de ses bénéfices, ni amortir son capital, ni créer d'actions de préférence entraînant une telle modification ou un tel amortissement, à moins d'y être autorisée par le contrat d'émission ou dans les conditions prévues à l'article L. 228-103 et sous réserve de prendre les dispositions nécessaires au maintien des droits des titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital dans les conditions définies à l'article L. 228-99. »). C’était déjà le cas en cas de transformation d’une société ayant émis des titres donnant accès au capital en une autre forme, sauf si c’est autorisé par le contrat d’émission (ex. : transformation d’une SA en SAS ; article L. 228-98 du Code de commerce).
 
Le champ d’éligibilité des BSPCE est étendu, outre déjà aux dirigeants (soumis au régime des salariés) et salariés y compris de filiales (sous conditions), aux administrateurs et membres du conseil de surveillance (y compris pour les SAS aux membres d’organes statutaires équivalents) (article L 225-44 et L 225-85 du Code de commerce, article 163 bis G du CGI).
 
 
IV.       LES AVANCES EN COMPTE COURANT SONT POSSIBLES SANS CONDITION DE PARTICIPATION
 
Auparavant réservé aux actionnaires détenant au moins 5% du capital, les avances peuvent être consenties par tout actionnaire peu important l’importance de sa participation.
 
Si avant la réforme, seuls les membres du directoire ou du conseil de surveillance d’une SA pouvant en octroyer, la faculté de consentir des avances en compte courant est également ouverte aux directeur général et directeur général délégué des SA, ainsi qu’au président de SAS (article L 321-2 du Code monétaire et financier).

 
V.       LA SARL AYANT UN CAC PEUT EMETTRE DES OBLIGATIONS
 
Auparavant réservé aux SARL d’une certaine taille, toutes les SARL disposant d’un commissaire aux nommés (nommés pour quelle que raison que ce soit) et ayant approuvés au moins trois (3) exercices pourront émettre des obligations.
 
 
VI.       L’EMISSION DE « TOKENS » (JETONS) EST DESORMAIS ENCADREE PAR L’AMF
 
Dans la mouvance des levées de fonds basée sur des ICO, offre de jetons sécurisés via la blockchain, la loi Pacte institue les bases juridiques de telles émissions de jetons virtuels (« tokens »).
 
La nouvelle réglementation propose ainsi une définition juridique du Jeton (Token), ainsi que les conditions de l’offre au public de tels jetons. Il est défini comme un « bien incorporel, représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » (article L 552-2 du Code monétaire et financier).
 
La loi met en place, pour des raisons de souplesse des émissions, un système optionnel de visa des émetteurs de jetons par l’AMF, permettant de garantir au public la viabilité financière du projet. Le public aura alors à disposition un document d’information détaillant l’opération. L’AMF diffusera également une liste blanche des émetteurs ayant reçu son agrément, conférant à ces derniers un gage de respectabilité et de sérieux auprès des souscripteurs.
 
L’AMF pourra enfin sanctionner les mauvaises pratiques en matière d’émission de jetons, en particulier lorsque l’offre n’est plus conforme au document d’information initial, ou lorsqu’un émetteur diffuse une information pouvant laisser penser à tort qu’il a reçu l’agrément de l’AMF.
 
Pour compléter cette réglementation, la loi Pacte instaure une série de mesures visant à encadrer l’activité des prestataires de services sur actifs numériques (tokens, cryptomonnaies, etc).